Des chasseurs agiles et furtifs : sept merveilleux félins originaires du Chili et de l’Amérique du Sud.
On trouve en Amérique du Sud près d'un tiers des espèces félines de la planète, dont sept sont présentes au Chili et dans certains des magnifiques paysages des pays voisins, tels que l'Argentine et le Pérou. Nous nous sommes entretenus avec d'éminents experts pour recueillir des détails surprenants sur ces mammifères, sur les principales menaces qui pèsent sur chaque espèce et sur leurs caractéristiques communes et leurs différences pour les identifier correctement.
Dotés d’excellents sens, d’un corps agile et flexible, de griffes acérées et d’un museau puissant, les félins sont des espèces extraordinaires. Pour connaître en profondeur chacune de ces espèces, il faut en premier lieu comprendre qui sont vraiment les félins.
Dans le système de classification des êtres vivants ou taxonomie, la grande famille des Felidae, également appelés félidés et souvent à tort félins, compte deux sous-familles vivantes : Pantherinae ou panthères, où l’on trouve deux à trois genres et des espèces célèbres comme le tigre (Panthera tigris) et le lion (Panthera leo) ; et Felinae ou félins, qui comprend plus de 10 genres et une trentaine d’espèces. Cette sous-famille comprend essentiellement des félins de petite et moyenne taille, mais aussi des espèces de grande taille comme le puma (Puma concolor) et le guépard (Acinonyx jubatus).
C’est dans cette sous-famille des Felinae que se trouvent les sept merveilleuses espèces de félins sauvages qui habitent le Chili et certaines régions d’Amérique du Sud : le puma, le chat des Andes (Leopardus jacobita), le chat de Geoffroy (Leopardus geoffroyi), le chat guigna (Leopardus guigna) et les chats colocolo qui, selon des recherches récentes, pourraient être considérés comme des espèces à part entière et non plus des sous-espèces : le chat du désert (Leopardus garleppi), le chat colocolo (Leopardus colocola) et le chat des pampas (Leopardus pajeros).
« Jusqu’à présent, on considérait que Leopardus colocolo formait une seule espèce, mais une étude taxonomique réalisée récemment sur ce groupe et qui compte à la fois des adeptes et des détracteurs démontre que ces espèces seraient désormais au nombre de cinq, dont trois se trouvent au Chili. Le nombre de félins présents dans le pays passerait ainsi de cinq à sept », explique Nicolás Lagos, spécialiste des félins sauvages chiliens, coordinateur du programme de cohabitation entre l’homme et le puma en Patagonie pour l’ONG Panthera et co-coordinateur au Chili de l’ONG Alianza Gato Andino (Alliance des félins des Andes).
De merveilleux chats sauvages qui présentent à la fois de petites et de grandes différences
Dans le monde, les félins solitaires sont dans un état de conservation fragile, et les espèces présentes au Chili et dans une partie de l’Amérique du Sud sont dans le même cas. La chasse pratiquée sans discernement des espèces elles-mêmes ou de leurs proies, la perte et la fragmentation de leurs habitats, les incendies de forêt, les attaques de chiens sauvages, les maladies transmises par les animaux de compagnie et le changement climatique sont autant de menaces qui pèsent sur les félins.
« Heureusement, la chasse diminue de plus en plus, mais les espèces les plus touchées restent le chat guigna et le puma. Il est certain que l’une des principales menaces sera le changement climatique, qui causera de nombreux problèmes dans le centre du Chili, avec la sécheresse, la hausse des températures et la diminution du nombre de proies disponibles », explique Agustín Iriarte, écologiste, expert en félins, directeur général de la société de conseil environnemental Flora & Fauna Limitada, cofondateur de l’Alianza Gato Andino et auteur de plus de 20 livres sur la nature.
Certaines organisations œuvrant pour la conservation des félins au Chili et dans le monde, comme Alianza Gato Andino ou Panthera, ont réussi par leurs efforts à fournir d’étonnantes informations et nouvelles données qui permettent de mieux comprendre chaque espèce et, par conséquent, de mieux la protéger.
« Les félins sont l’une des icônes de la nature et nous pensons souvent que leur comportement est fixe et prévisible, mais nous comprenons de plus en plus que les animaux ne sont pas toujours comme cela, et nous découvrons que leur conduite et leur comportement évolue, qu’ils s’adaptent », explique Tim Connolly, guide naturel indépendant à Torres del Paine et expert en flore, en faune, en écologie et en éthologie.
Puma (Puma concolor)
Le puma est le plus grand félin vivant au Chili. On peut l’observer dans les forêts, les chaînes de montagnes et les pampas, du Canada au détroit de Magellan, dans certains secteurs du Pérou, notamment dans les environs de Cuzco, dans tout le territoire de l’Argentine et du Chili, à l’exception de l’île de Chiloé et de l’Uruguay.
Il peut mesurer jusqu’à 180 cm de long, avec une queue de près de 90 cm, les mâles étant plus grands que les femelles. Sa fourrure est d’une couleur uniforme brune, grisâtre ou rougeâtre, l’intérieur des pattes, la poitrine et le ventre sont plus clairs. Jusqu’à l’âge de six mois, les petits pumas ont une fourrure tachetée de noir et des rayures sur la queue.
C’est en Patagonie chilienne, plus précisément à Torres del Paine, que l’on trouve la plus forte densité de pumas au monde. Ils se nourrissent principalement de guanacos (Lama guanicoe), de lièvres, d’oiseaux et de petits rongeurs.
Son statut de conservation est « préoccupation mineure » (UICN).
Chat des Andes (Leopardus jacobita)
Ce félin est présent en Argentine, au Chili, en Bolivie et au Pérou, dans la Cordillère des Andes jusqu’à 5000 mètres d’altitude. Il habite les zones arides et rocheuses à proximité des sources d’eau, les prairies ouvertes, les forêts humides et les steppes.
Il peut mesurer jusqu’à 85 cm de long, avec une queue de près de 50 cm. Son pelage est long, doux et tacheté. Sa robe est gris terne avec une partie blanche sur le ventre. Sa queue présente neuf anneaux sombres et est d’aspect touffu.
Il se nourrit principalement de viscaches (Lagidium viscacia), mais aussi de rongeurs de petite et moyenne taille, d’oiseaux et de reptiles.
« C’est une espèce rarement observée et dont les caractéristiques écologiques fondamentales sont peu connues, mais son étude a beaucoup progressé au cours de ces dernières années. Ses principales menaces sont les activités humaines à grande échelle, telles que l’exploitation minière dans la zone centre-nord », explique M. Lagos.
Cette espèce est classée en danger (IUCN).
Chat de Geoffroy (Leopardus geoffroyi)
Le chat de Geoffroy ou chat sauvage d’Amérique du Sud est l’un des félins les plus répandus en Amérique du Sud. Il est présent dans les zones montagneuses, les forêts, les jungles, la pampa et les zones humides en Bolivie, au Paraguay, au Brésil, en Argentine et en Uruguay, tandis que sa distribution est limitée au sud du Chili, dans les régions d’Aysén et de Magallanes, ainsi que dans l’Araucanie.
Il s’agit d’un petit animal, qui mesure 60 cm de long et dont la queue peut atteindre 30 cm. Son pelage, qui va du jaune brunâtre dans le nord au grisâtre dans le sud, présente des taches noires caractéristiques. On peut également trouver des spécimens mélaniques ou à pigmentation noire, mais aucun cas n’a été recensé au Chili.
Son statut de conservation est « préoccupation mineure » (UICN).
Chat guigna (Leopardus guigna)
C’est le plus petit des chats sauvages d’Amérique du Sud, habitant les forêts humides et tempérées, les maquis, les zones côtières et les zones montagneuses jusqu’à 2500 m d’altitude. Il est présent uniquement en Argentine et au Chili, de Coquimbo à Aysén, en passant par l’île de Chiloé et les Guaitecas.
Le corps du guigna peut mesurer environ 64 cm et sa queue jusqu’à 25 cm. Son pelage est brun à brun jaunâtre avec des taches rondes foncées et une courte queue aux anneaux foncés. Le taux de mélanisme est élevé.
C’est un animal actif de jour comme de nuit, un grimpeur invétéré et un arboricole. Son régime alimentaire se compose de petits mammifères, d’oiseaux sauvages et de volailles.
Son statut de conservation est Vulnérable (UICN).
Les chats colocolo
Chat du désert (Leopardus garleppi)
Le chat du désert ou chat des pampas habite les environnements semi-arides, les plateaux steppiques, les contreforts de la cordillère ou les zones forestières et la jungle. Il est présent en Équateur, au Pérou, en Bolivie, dans le nord de l’Argentine et dans le nord du Chili, plus précisément de la frontière nord du Pérou jusqu’à Antofagasta.
Il mesure jusqu’à 80 cm de long avec une queue de près de 30 cm. C’est le plus petit des chats colocolo, et sa couleur est grise avec de petites taches brunes ou des rosettes avec un bord plus sombre et une queue avec des anneaux noirs.
Ce chat et Leopardus colocola diffèrent du chat des Andes par leur nez rose et non noir et par des bandes transversales brun foncé plus marquées sur les pattes avant.
Cette espèce est classée comme quasi-menacée (UICN).
Chat colocolo (Leopardus colocola)
Le chat colocolo se trouve dans les zones boisées et rocheuses, les maquis et les chaînes de montagnes. Il est endémique au centre du Chili, de Coquimbo à Concepción.
De poil long, il est légèrement plus grand que le chat domestique. Il ressemble à Leopardus garleppi.
Cette espèce est quasi menacée (UICN).
Chat des pampas (Leopardus pajeros)
C’est le plus grand de tous les chats colocolo. Il est largement répandu en Patagonie argentine et dans une partie de la Patagonie chilienne, notamment dans les régions d’Aysén et de Magallanes. Il peut être observé dans les zones montagneuses et les steppes.
On le confond souvent avec le chat de Geoffroy parce qu’ils sont tous deux tachetés et de taille similaire, mais on peut les différencier par leur couleur, le chat de Geoffroy étant plus grisâtre tandis que le chat des pampas est d’un brun clair.
Il est quasi menacé (UICN).
Its conservation status is Near Threatened (IUCN).
Nous remercions Agustín Iriarte et son livre Guía de los Mamíferos de Chile (deuxième édition, 2021).